Un exemple intéressant de l’évolution de la jurisprudence en matière de signature électronique. Les règles et les lois sont en pleine mutation.
Un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 1er octobre 2015 vient d’apporter sa pierre à la construction jurisprudentielle en matière de signature électronique, à la suite de deux décisions similaires rendues par les Cours d’appel d’Aix-en-Provence (26 juin 2014) et de Caen (5 mars 2015). Dans cette affaire, une société avait conclu un contrat de crédit bail sur un véhicule. Cette reconnaissance de la signature électronique (reposant sur des certificats dits à la volée) était déjà intervenue dans d’autres décisions, notamment en matière de crédit à la consommation (Cours d’appel de Nancy du 14 février 2013 et de Douai 2 mai 2013).
Dans les faits : La signature électronique
Après le prononcé de la liquidation judiciaire de sa cliente, la société de crédit-bail par l’intermédiaire de son mandataire, la société de recouvrement, avait sollicité la poursuite du contrat ou la restitution du véhicule. Sa demande était rejetée par une ordonnance du 14 mai 2013 du juge commissaire qui considérait que la société de recouvrement ne disposait pas d’un pouvoir valable dès lors que le pouvoir électronique produit par la mandataire ne comportait « aucune signature ni tampon » et qu’il n’était pas justifié qu’il émanait du représentant légal de la société de crédit-bail ou d’un préposé dûment mandaté.
Argumentation de la Cour d’appel
Toutefois, en vertu des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, tant le jugement du Tribunal de commerce que la décision d’appel ont admis la validité du pouvoir. La Cour d’appel a notamment rappelé que la signature électronique était parfaitement valable même elle ne respectait pas les exigences du décret n°2001-272 du 30 mars 2001, qui n’entraînent que le bénéfice d’une présomption de preuve de sa fiabilité (Eric A. Caprioli, Signature électronique et dématérialisation, éd. LexisNexis, 2014).
La Cour d’appel retient ensuite que le procès verbal de constat réalisé par un huissier retrace les différentes étapes du processus de signature du pouvoir par des captures d’écran explicites. Et, « le pouvoir ainsi établi répond aux critères de fiabilité portant sur l’identification de son auteur et sur l’immutabilité de son contenu imposés par les dispositions de l’article 1316-1 du code civil, dès lors que le support de transmission électronique utilisé respecte les règles relatives à la souscription des contrats en ligne, par l’utilisation de codes sécurisés ». La Cour conclut que la société de recouvrement était régulièrement mandatée « selon un document dont la signature est authentifiée par l’ensemble des documents produits ».
Quelles perspectives pour la signature électronique ?
Comme les arrêts d’Aix-en-Provence et de Caen, la présente décision emporte l’adhésion. Elle rappelle que la signature électronique « simple » peut valablement être apposée sur un document électronique (C. civ., art. 1316-4, al. 2). Qu’elle soit simple ou présumée fiable, les deux types signatures ont une valeur juridique identique mais elles diffèrent en ce sens qu’elles ne suivent pas la même règle en matière de charge de la preuve. En l’espèce, le pouvoir étant revêtu d’une signature électronique simple, la charge de la preuve pesait bien sur la partie qui se prévalait de la signature.
Pour vérifier la régularité du pouvoir et la fiabilité du procédé, la Cour d’appel s’est fondée sur le constat d’huissier, élément fondamental qui permettait de retracer « avec minutie les différentes étapes de ce processus par des captures d’écran explicites ». Par ailleurs, conformément au code civil, l’intégrité du contenu était assurée dans la mesure où le support de transmission respectait les règles de souscription des contrats en ligne en utilisant des codes sécurisés. L’identification de l’auteur était quant à elle établie au moyen d’une acte du mandataire social indiquant l’existence d’une délégation de pouvoir au bénéfice de la personne signataire du pouvoir.
Ainsi, les contentieux liés à la digitalisation de leurs contrats imposent aux entreprises de disposer de tous les documents (juridiques et techniques), fichiers et processus pertinents (informatiques) nécessaires à la défense de leurs intérêts en cas de contestation judiciaire.
Reference: Usine-digitale.fr
Eric A. Caprioli, Docteur en droit, Avocat à la Cour de Paris.